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L’Ambassadeur du Bénin en Ethiopie, Ferdinand Montcho est un cadre atypique qui ne mâche pas ses mots. Dans cette interview, le diplomate de carrière aux cheveux sel et poivre informe le public béninois sur le rôle et l’importance de la représentation permanente du Bénin dans ce pays. Il plaide pour un supplément de civisme et de patriotisme.

 

Monsieur l’Ambassadeur, dans le milieu diplomatique à Addis Abeba vous êtes bien connu pour plusieurs raisons. Ce n’est pas forcément le cas des Béninois et des Béninoises dont vous servez les intérêts.

 

Mon nom c’est Ferdinand Montcho. Je suis ambassadeur et représentant permanent du Bénin auprès de l’Union africaine. Ambassadeur, je le suis en Ethiopie, au Kenya, à Djibouti, en Ouganda et au Soudan. Représentant permanent, je le suis auprès de l’Union africaine, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique basées à Addis Abeba en Ethiopie, le Programme des Nations unies pour l’environnement, l’Onu Habitat situés à Nairobi au Kenya.

 

Quel est l’intérêt pour le Bénin d’avoir une Ambassade en Ethiopie et avec une telle juridiction ?

 

Vous savez qu’Addis Abeba est le siège de l’Union africaine. Autrefois, Organisation de l’Unité africaine, l’appartenance ne se décrète pas et ne se limite pas non plus à la participation aux réunions. Il faut une présence soutenue. C’est pourquoi, un pays africain qui n’a pas de représentant ici n’a pas de poids au sein de l’organisation et ne doit pas se sentir à l’aise. Il perd d’importantes opportunités sur plusieurs plans. L’isolement ou le repli sur soi ne perd pas. Dans le cadre des mouvements d’indépendance, il fallait se mettre ensemble pour le faire. Lutter contre le colonialisme et s’unir pour les enjeux d’intégration. Vu notre passé glorieux en terme de promotion de la démocratie en Afrique, on ne pouvait plus être absents en Ethiopie. C’est ainsi que cette erreur a été corrigée au début des années 2000 par l’ouverture d’une représentation.

 

Quel est l’état des relations que vous entretenez avec la communauté béninoise ?

 

En fait cette communauté n’est pas importante. Le pays hôte pratique une politique d’immigration qui ne permet pas de s’y aventurer en quête d’emplois comme cela se fait dans d’autres pays. Ce qui fait qu’il n’y a pas de compatriotes qui débarquent pour y rechercher du travail. Cette communauté est composée de fonctionnaires internationaux et de deux enseignants à l’école française. La communauté est bien petite du point de vue de l’effectif mais la qualité y est puisqu’elle est composée uniquement de hauts cadres disponibles avec lesquels l’Ambassade entretient des rapports cordiaux et fraternels et dont le Bénin pourrait tirer parti en cas de besoin.

 

Comment se porte la politique de placement des cadres béninois au sein des organisations internationales basées dans votre juridiction ?

 

Je pense que vous devez poser cette question au département. Nous ne sommes qu’une infirme partie de l’iceberg.

 

Vous avez tout de même votre partition à y jouer.

 

Absolument, nous informons vite des vacances de postes. Parfois c’est au niveau même du pays que les choses flottent, surtout au niveau des ministères, ils se torpillent. Le ministère des affaires étrangères ne peut pas prendre les cadres de force pour les positionner. Arrêtons de dire pourquoi pas moi et c’est lui. C’est une question importante que nous devons considérer. Moi-même, j’avais une autre image de la chose quand j’étais au pays. Il a fallu que je vienne ici pour me rendre compte de certaines incrédulités qui ne nous honorent pas.

 

Quel est l’état des relations que vous entretenez avec le pays hôte et les autres pays de votre juridiction ?

 

Nous entretenons de très bonnes relations avec le pays hôte au niveau politique. D’abord, le Dr. Boni Yayi et feu Melès Zenawi, on a pu noter plusieurs fois l’arrivée du premier ministre éthiopien au Bénin en 2012 et lors du mini sommet organisé à Cotonou dans le cadre de la lutte contre les faux médicaments, on a également noté la présence du dirigeant éthiopien aux côtés de notre président. S’agissant de coopération entre les deux pays, il y a des choses à faire. L’Ethiopie a une croissance de deux chiffres. Au regard des défis qui sont les nôtres, nous avons beaucoup de choses à échanger avec ce pays.

 

Qu’en est-il des relations avec les autres Etats de votre juridiction ?

 

Avec le Djibouti par exemple, nous avons formé beaucoup de cadres Djiboutiens, notamment les médecins. Nous recevons régulièrement des dossiers de candidature d’étudiants à transmettre pour avis des instances académiques compétentes de notre pays. Il faut reconnaître que nous ne mettons pas encore l’élan qu’il faut pour véritablement booster les relations de coopération avec ces pays. Nous pensons toujours que la coopération avec le Nord est plus bénéfique alors que la coopération Sud Sud se révèle de plus en plus fructueuse à plusieurs niveaux.

Par ailleurs, le 9 octobre dernier le Chef de l’Etat était en Ouganda à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de ce pays. Cela témoigne des bonnes relations qui existent entre nos deux pays. Lorsqu’on a créé les Comités économiques régionaux (Cer) après l’adoption du Plan d’action de Lagos, c’était pour permettre à l’Afrique de se développer de façon concentrique. Nous constatons aujourd’hui que ces Cer sont devenus un handicap à partir du moment où certains pays échangent entre eux dans le cadre de ce regroupement sans pour autant s’intéresser à d’autres échanges ni s’ouvrir à d’autres régions. Le président de la République est très préoccupé par ce sujet. C’est ainsi qu’il a suggéré au président Yoweri Museveni une dynamique nouvelle pour briser ces barrières qui empêchent les échanges interrégionaux. Je pense qu’au regard des efforts convergents de nos dirigeants, il y a une lueur d’espoir pour nos échanges commerciaux.

 

Lorsqu’on évoque la présidence de l’Union africaine qu’occupe le Bénin, plusieurs compatriotes se demandent ce que nous y gagnons. Quelle appréciation faites-vous d’une telle préoccupation ?

 

En réalité le débat ne devrait pas se focaliser exclusivement sur ce que nous y gagnons. La présidence de l’Union africaine n’est pas offerte aux Etats sur un plateau d’argent. C’est une question de grand mérite. Pour parler de gain, le Bénin a gagné en visibilité. Le Président de la République fait montre de réconciliateur, médiateur et de facilitateur pour réunir les chefs d’Etats, chacun avec sa souveraineté. Dans le milieu diplomatique, il n’est pas rare d’entendre dire que c’est la première fois que la présidence de l’Union africaine est aussi active et présente sur tous les fronts. Il remplit aussi sa fonction présidentielle. Beaucoup de gens le félicitent pour sa disponibilité. Il prend part aux réunions du G8 et celles du G20. Je ne vous apprends rien lorsque je vous dis que mon prédécesseur a disparu. Le Chef de l’Etat fait ce qu’il doit faire. Et il le fait bien.

 

Que faites-vous pour que le Bénin soit plus méritant ?

 

Je ne vous surprendrais pas certainement si je vous dis que c’est une œuvre collective. D’abord au niveau national, tous les Béninois doivent apporter leur pierre au renforcement de l’édifice national. Tout le monde doit y contribuer. Du cadre à l’opérateur économique en passant par le citoyen lambda, les leaders politiques, etc. Il faut un civisme poussé et non chercher à détruire les édifices publics. Grâce à la bonne gouvernance et la somme des efforts individuels, nous pourrions impulser une nouvelle dynamique au développement de notre pays.

 

Au plan international je plaide pour qu’on fasse mieux. On n’a pas démérité.

 

A voir l’état pimpant de vos locaux on est tenté d’affirmer que la page des chancelleries béninoises délabrées est définitivement tournée ?

 

C’est heureux et c’est la preuve que des efforts colossaux se font en dépit de nos ressources limitées. Nous sommes tenus de faire des efforts pour améliorer nos revenus afin de les utiliser à bon escient. C’est dire que nous manquons encore de moyens, sans doute. Il y a des secteurs qui absorbent les revenus du pays. Cependant, le fait que nos chancelleries se portent mieux constitue une fierté pour nous tous.

 

Comment vendez-vous le Bénin en Ethiopie ?

 

La première des promotions, c’est le respect de la réglementation du pays hôte. Au cas où nous nous sentons lésés s’agissant de nos intérêts, nous intervenons dans les formes de l’art pour réclamer ce qui nous est dû. Au niveau bilatéral, nous ne manquons aucune occasion pour exprimer nos besoins et nos atouts aux partenaires. Nous faisons venir des produits de chez nous régulièrement. Les produits tels que l’anacarde, l’ananas, la mangue, etc font notre fierté ici. Par exemple, un consommateur étranger avait pensé que l’anacarde venait de l’Inde. Il était très surpris d’apprendre que c’est plutôt Made in Benin. Nous avons trop de choses à faire ici. Les activités multilatérales sont denses mais on est peu de cadres. A présent notre souci s’accroît puisque plusieurs cadres partent à la retraite bientôt.

 

En attendant que ce souci se dissipe, parlez-nous de vos success stories ?

 

Depuis fin avril 2012 que nous sommes là, nous avons œuvré pour l’élaboration et la signature d’accord cadre avec l’Ethiopie. C’est un succès indéniable. Quant à celui nous liant au Kenya, il est presque fini. Celui de l’Ouganda est en cours. Avec l’Ethiopie, nous avons signé un mémorandum de trois ans avec le Pdg d’Ethiopian Airlines. Cet accord a permis de soulager les peines de nos compatriotes qui étaient obligés d’aller à Lomé avant de prendre leur vol pour rallier les capitales asiatiques où ils font leurs affaires. Qu’il s’agisse de commerçants ou de pèlerins, tout le monde en tire profit depuis le 15 juillet 2012 date du premier vol inaugural. Nous avons renversé la tendance décriée par nos compatriotes.

 

Quelles sont vos perspectives ?

 

Nous tenons à capitaliser l’impression que le Bénin a faite à tous les niveaux. Il faut à présent recentrer notre stratégie avec les pays africains et les pays du reste du monde à l’échelle internationale. Nous sommes très préoccupés à finaliser les accords cadre de notre juridiction dans les domaines agricoles, les échanges commerciaux, bref il y a beaucoup de potentialités à exploiter et nous nous y attelons avec patriotisme malgré les difficultés qui n’émoussent pas notre fierté de présider l’Union Africaine, la plus grande organisation panafricaine.

 

Réalisation :

Abdourhamane Touré

Source: Le Matinal du 7 novembre 2012

Tag(s) : #Politique
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